De nos jours, les plateformes numériques jouent un rôle prépondérant dans la diffusion de l’information et la communication entre les individus. Cependant, cette facilité d’accès à l’information et au partage de contenus soulève des interrogations quant à la responsabilité des plateformes en matière de contenu illicite. Comment celles-ci peuvent-elles être tenues responsables des publications de leurs utilisateurs ? Quels sont les mécanismes juridiques permettant d’encadrer cette responsabilité ? Autant de questions auxquelles cet article se propose d’apporter des éléments de réponse.
Responsabilité éditoriale ou hébergement : une distinction essentielle
D’un point de vue juridique, il convient tout d’abord de distinguer deux types de responsabilités pour les plateformes numériques : celle relevant de l’édition, et celle relevant de l’hébergement. En effet, si une plateforme a un rôle éditorial sur les contenus qu’elle publie (comme c’est le cas pour un journal en ligne par exemple), elle sera considérée comme responsable desdits contenus, au même titre qu’un éditeur traditionnel. En revanche, si la plateforme se contente d’héberger des contenus créés par des tiers (utilisateurs, entreprises…), sans exercer de contrôle sur ces derniers, elle relèvera alors du régime juridique applicable aux hébergeurs.
Or, la responsabilité des hébergeurs est encadrée par le législateur, qui a cherché à trouver un équilibre entre la protection des droits d’auteur et la liberté d’expression. Ainsi, en France, l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) de 2004 prévoit que les hébergeurs ne peuvent être tenus responsables des contenus qu’ils hébergent dès lors qu’ils n’en ont pas eu connaissance ou qu’ils ont agi promptement pour les retirer ou en rendre l’accès impossible une fois informés de leur caractère illicite.
La mise en place de mécanismes de signalement et de retrait
Afin d’assurer un contrôle efficace sur les contenus illicites présents sur leur plateforme, les hébergeurs doivent mettre en place des procédures permettant aux utilisateurs de signaler ces derniers. Cette obligation est également prévue par la LCEN, qui impose aux hébergeurs de mettre à disposition du public un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de contenu.
Une fois le contenu signalé, l’hébergeur doit alors agir rapidement pour le supprimer ou en empêcher l’accès. En cas d’inaction ou d’insuffisance dans le traitement du signalement, l’hébergeur s’expose à voir sa responsabilité engagée. Il convient toutefois de noter que cette obligation ne saurait être assimilée à une obligation générale de surveillance : les plateformes numériques ne sont pas tenues de vérifier systématiquement l’ensemble des contenus qu’elles hébergent.
La responsabilité des plateformes numériques à l’échelle internationale
Les problématiques liées à la responsabilité des plateformes numériques en matière de contenu illicite ne se limitent pas aux frontières nationales : elles concernent également les instances internationales. Ainsi, au niveau européen, la directive sur le commerce électronique de 2000 (transposée en France par la LCEN) prévoit un cadre juridique similaire à celui décrit précédemment. De plus, le règlement général sur la protection des données (RGPD) impose aux plateformes numériques certaines obligations en matière de traitement et de protection des données personnelles.
Au-delà de l’Union européenne, les législations nationales varient quant au régime applicable aux plateformes numériques. Toutefois, il existe un consensus international sur la nécessité d’encadrer leur responsabilité afin de prévenir les abus et de protéger les droits fondamentaux des individus.
Les perspectives d’évolution du cadre juridique
Face à l’évolution constante du paysage numérique et aux défis inédits qu’il pose, le cadre juridique encadrant la responsabilité des plateformes numériques est amené à évoluer. Ainsi, plusieurs réflexions sont actuellement menées afin d’améliorer la régulation des contenus illicites en ligne. Parmi celles-ci figurent notamment la proposition de règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act) ou encore les débats autour de la réforme de la loi française sur la confiance dans l’économie numérique.
Ces évolutions pourraient conduire à renforcer les obligations des plateformes numériques en matière de lutte contre les contenus illicites, tout en veillant à préserver un équilibre nécessaire entre la protection des droits et libertés fondamentaux et le respect de l’innovation et du développement économique.